Aller dans l'île - Vassivière 2008

C'est devenu un rituel. Je ne peux aller en Limousin sans m'arrêter à Vassivière. Cette eau de granit, ce sable, ces mousses, les arbres, entre le sauvage et le dompté, cette sorte de mer intérieure, dans un paysage simple et rude

Vassivière, c'est d'abord l'enfance, l'été, les pique-nique, la pèche, la rive, l'ombre, la lumière, la passerelle
le passage pour atteindre l'île

Une île terrestre, un condensé de mon Limousin natal, prés, vaches, granit chemins de sable, bois, eau mousses, humidité, rayons de lumière, insectes, oiseaux, champignons...

Vassivière, étendue d'eau en plein Limousin, au milieu des bois des collines des prés
un paysage immergé à la création du barrage
ce qui est caché titille l'imaginaire

subsiste l'île, mais je ne pense pas à elle comme quelque chose ayant échappé à l'immersion (comme l'île aux serpents), mais comme si elle avait toujours été une île, un point culminant



aller dans l'île, prendre la passerelle n'en fait pas une presqu'île

elle a la taille qu'il faut pour qu'on la sente entourée d'eau, on la sent toujours île
aller dans l'île c'est déjà une démarche en soi

voyager dans une île proche (pas lointaine) l'évasion inversée, du large on va au centre

une île à mon échelle, sans orgueil, sans arrogance

une île de laquelle on ne voit pas le large

l'île où on n'emporterait rien parce que c'est là

l'île condense la lumière



marcher autour de l'île.
l'île, lumière particulière, car tout autour, le lac
un point dans un cercle

faire le tour, longer la rive, ne pas pouvoir en sortir, ne pas vouloir entrer 
entre deux – une ligne
les arbres et leur tentative de sortie, ou plutôt la brisure de la ligne

regarder dehors, regarder dedans

marcher à l'ombre, trouée de lumière sur l'eau

le tour - le cercle – fini
pas d'errance, de divagation
circulation

impossible de se perdre, on revient toujours au point de départ

j'ai fait le tour dans les deux sens, mais je préfère partir à droite à la sortie de la passerelle, c'est mon circuit, toujours dans le même sens, c'est beau tout de suite, plus mystérieux, plus boisé, je suis entre le bois et l'eau, je circule
parfois je remonte un peu, puis redescends sur la berge

circulation antihoraire – remonter le temps ?



le clapotis des vagues s'accentue quand passe un bateau
les arbres peu à peu perdent l'équilibre les branches s'enchevêtrent

Le désordre - à la limite – ligne de tension



Sur le grand contour du lac, les gens tournés vers l'espace d'eau contemplent



BATILLAGES
aller dans l'île
silence
circuler
désordres
tranquille

cinq chapitres, comme des états d'âme

Vassivière, nombril de mon monde ?


à force d'écrire, à force d'écrire, de tourner autour comme autour de l'île..
des images viennent mais en désordre
ça ne coule pas de source

mars 2013

© christiane sintès